" Bob Morane et l’inframonde "
                                                      ( ou Les dessous du commandant Morane )

                            

Les dessous de Bob Morane par « Gaspard de Montréal »

À toutes les jeunes filles, que l’on peut même plus de nos jours pas correction sémantique (le fameux politiquement correct !) appeler « petite fille » : “[...] non par condescendance, mais plutôt par autodéfense, pour masquer sous une feinte désinvolture la faiblesse qu’il ressentait pour elle” (Bob Morane in « L’héritage de l’Ombre Jaune »). Mais, l’aventure terminée, il ne reste pas forcément de marbre : “Et malgré lui, Morane ne pouvait s’empêcher de songer à une chevelure, à des yeux qui, eux aussi, avaient 
ce reflet de sombre minéral touché par la lumière”.

À toutes les « Femmes d’Aujourd’hui » qui me permirent de passer des heures de découvertes merveilleuses dans le grenier de « ma Grand Mère ». « [Jeune Fille] c’est une mauvaise habitude que j’ai prise d’appeler ainsi toutes les demoiselles. Peut-être est-ce une manière de masquer le charme qu’elles opèrent sur moi… », Bob Morane à l’archéologue Sonia Illevitch dans « Le Vapeur du passé ».

« M. Jackal était dans le vrai : cette voûte qui se déroulait sous ses yeux, ce carrefour qui en bornait la perspective, c’était un coin de l’immense et funèbre souterrain qui s’étend de Montrouge à la Seine, et du jardin des Plantes à Grenelle. - Quant à M. le préfet de police, comme le faisait judicieusement observer M. Jackal, il avait bien tort lorsqu’il prétendait connaître toutes les issues du vaste ossuaire : les issues des catacombes dépendent, numériquement, du caprice du premier habitant de la rive gauche, puisque, pour ajouter une issue nouvelle aux mille issues qu’elles ont déjà, il suffit - dans le faubourg Saint-Marcel, par exemple - de creuser un trou de vingt-cinq à trente pieds » ; Alexandre Dumas, « Les Mohicans de Paris ».

 « Au fond, qui sommes-nous ?

Toi, tu es un aventurier. Tu ne descends jamais dans les catacombes sans ton casque et tes bottes. […] La flamme de ta lampe à acétylène te fait un troisième œil au-dessus du front. Tes plans en provenance directe de l’Inspection Générale des Carrières, que tu as toi-même mis à jour, t’ont mené jusqu’au plus profond des anciennes carrières de Paris avec ton groupe, et vous parviendrez un jour au mythique passage sous la Seine. Pour toi, les catacombes, c’est la découverte, le frisson toujours renouvelé ».

Extrait du prologue de « Le Cataphile » de Dimitri Mouton aux éditions Cylibris.

« On apprend des choses dans Le Cataphile : que le sous-sol parisien est parcouru d’un réseau inextricable de galeries et de salles, de couloirs et de chatières, restes plus ou moins surveillés, plus ou moins entretenus des anciennes carrières souterraines ; que ce réseau, malgré les réglementations en vigueur, est lui-même parcouru, visité, exploré, exploité par des amateurs de toutes sortes : des “touristes”, qui se contentent de descendre et de se retrouver dans les salles les plus fréquentées, mais aussi des “aventuriers”, des “purs ”, des “rebelles”, des “champions”, […] bref les passionnés ».

Jean-Pierre Longre, dans sa critique du « Cataphile » de Dim © Sit’art mag 2001

 

 

« La seule crainte qui assaillait Morane était qu’il se perdît dans le dédale de ces cavernes artificielles, car il savait n’avoir désormais plus la moindre rencontre à redouter. La torche électrique en avait certainement pour des heures encore à fonctionner, car elle était d’un modèle puissant. Bien sûr, un moment viendrait où, les piles étant épuisées, elle s’éteindrait. Alors, Bob n’aurait plus, comme ultime ressource, qu’à faire usage de la minuscule lampe de poche, guère plus grosse qu’un stylo, qui ne le quittait jamais. Pourtant, la batterie de cette lampe n’était prévue que, pour donner une heure de lumière. Ensuite, ce seraient les ténèbres totales. Les ténèbres et le désespoir… »
                                                                                                                                                     « La revanche de l’Ombre jaune ».

 

 

Et quacumque viam dederit fortuna sequamur, Virgile (repris dans « Voyage au centre de la terre » de Jules Verne)

« Quant à l’existence d’une galerie qui aboutisse au centre du globe, pure imagination ! pure impossibilité ! »

« Bonjour, Monsieur Phelps. Votre mission, si toutefois vous l’acceptez, etc. etc.

[…] Si vous ou l’un de vos agents était capturé ou tué, le Département d’État nierait avoir eu connaissance de vos agissements. Bonne chance, Jim. » ; voix off en introduction à chacun des épisodes de « Mission impossible (IMF) », sérié télévisée américaine en 171 épisodes de 50 minutes, créée par Bruce Geller en 1966 pour CBS (diffusée à partir du 10 octobre 1967 sur la deuxième chaîne de l’ORTF).

           Deux conseils d’un ami qui vous veut du bien, avant que de poursuivre la lecture :

- Le lieu souterrain parisien décrit ci-après, n’est à nouveau proposé à la curiosité du public que depuis avril de cette année 2008, après avoir été fermé pendant 13 ans. Je vous invite à venir le visiter, vous fans de Bob Morane, pour éventuellement mettre vos pas dans les empreintes du Commandant, dans ce « temple d’immortalité ». Vous pourrez aussi vous y numériser, afin de rapporter un souvenir virtuel de votre descente réelle dans « l’empire de la Mort ».

- Quant au reste des carrières, éventuellement évoqué ici ou là, un arrêté du 2 novembre 1955 interdit à toute personne de pénétrer et circuler dans les anciennes carrières souterraines de la Ville de Paris sans autorisation.

En guise d’introduction

Si l’intitulé de cet article, « Bob Morane et l’inframonde » sonne un peu comme un titre de roman, le titre de l’un de ses épisodes encore inédit, le sous-titre est plus tendancieux, pouvant même sembler tendance : voguer sur l’érotisme soft. Or il est simplement ambigu (ce qui est aussi mode) car l’objet de cet article n’est pas de décrypter si Bob Morane est plutôt « slip ou caleçon », ni quels sont ses sous-vêtements préférés chez les femmes, ou ceux qui pourraient éventuellement oser pointer le bout de leur nez chez les partenaires féminines du commandant [1]
et ce dans les différentes
de l’œuvre de Henri Vernes (romans, BDs, etc.) [2]
Si nous allons effectivement aborder, étudier, décrypter les dessous du Commandant Morane, ce ne sont pas non plus les dessous de son âme, laissons ceci aux spécialistes de la psychanalyse, et nous aurons peut-être la surprise, à l’image des publications qui profusent concernant l’œuvre de Hergé, de découvrir un jour une étude au titre « Bob Morane chez le psy » !? Nous ne serons pas aussi superficiels, mais au contraire allons fouiller le sujet le plus en profondeur que l’on pourra, et essayer de suivre le Commandant dans les terra incognita et artificialis de Paris, et à défaut, de l’y entraîner. Et comme Morane est commandant d’escadrille en disponibilité de l’Armée de l’Air et pilote d’essai, il a l’habitude de parcourir les cieux éthérés ; ce n’est donc pas surprenant de le retrouver sous le ciel des carrières de Paris et d’ailleurs, c’est juste un peu plus terre à terre


[1] Quant à connaître son rapport avec les femmes (à défaut de relations), on peut se reporter à l’article donnant « Quelques considérations sur la femme dans Bob Morane », par Denis Labbé (p.245-255 in « Les dossiers de Phénix n°4 »). Ou celui sur « Morane et les femmes » de Rémy Gaillart dans le Fulmar n°8 (p.45-47) : « Un dur, qui préfère les joies de l’aventure à la douceur un peu mièvre que représente la femme dans cette sorte de littérature »… Serait-ce à dire qu’il n’a jamais croisé dans toutes ses aventures, a fortiori souterraines, une seule (cata)fille ? (http://morthicia.cyberkata.org/paris.htm) . Pour se convaincre du contraire, il suffit de lire l’excellente étude de Jacques Dieu parue dans « Bob Morane & Henri Vernes » en 1990 (« Les femmes et Bob Morane » : p.98-123), ou le survol de Daniel Fano intitulé « Des femmes » dans le chapitre « Bob Morane à la loupe (un carnet de notes) » de son ouvrage édité au Castor Astral (© 2007).
[2]
Dans « L’intégrale BD n°24 », p.158 on découvre une scène assez inattendue, que l’on n’aurait d’ailleurs jamais soupçonnée : Bill et Bob en compagnie de jeunes femmes entièrement dévêtues, avec cette réplique : « Ça commandant ça … c’est commencer l’année ». Il s’agit d’un dessin que Gérald Forton a adressé à Henri Vernes, pour le nouvel an 1963.

Limites de cette étude à deux aventures de Bob Morane

Cette étude est volontairement restreinte aux sous-sols artificiels (anciennes carrières souterraines, égouts, métro, etc.) de la capitale française pour deux raisons. Premièrement, c’est la plus belle ville du monde, la Ville Lumière par excellence – depuis un siècle éponyme qui n’avait pourtant pas encore vu l’avènement de l’électricité –, l’éternel phare universel de la culture mondiale, etc., etc. 
Et deusio, afin de définir le cadre de nos investigations et de cette digression, il faut bien évidemment savoir mettre des bornes, et quoi de plus naturel que de se limiter à ce que l’on pense connaître assez bien : le Paris souterrain !
Nous allons ici évoquer successivement 
« Formule X33 » qui voit sa périhélie dans les égouts du 16ème arrondissement, ainsi que
 « Les semeurs de foudre » où, bien que Bob Morane, Bill Ballantine et le professeur Aristide Clairembart soient près de La Paz, à la recherche de Pierre Langlois disparu deux années auparavant, et qu’ils arrivent à Monte Alba (dans les monts Madidi, à la frontière du Brésil et de la Bolivie), ils ne s’en retrouvent pas moins (et ne vont d’ailleurs pas s’y retrouver) dans les Catacombes de Paris.

« Quand ils furent tous trois dans l’ascenseur, celui-ci descendit avec une grande rapidité. La descente n’en dura pas moins plusieurs minutes qui parurent des siècles au glorieux hôte de la Mappemonde.

- Eh quoi ! fit-il tout haut. Nous allons donc au centre de la terre !...

Enfin, l’ascenseur s’arrêta en pleine obscurité. R.C. fit jouer une petite lampe portative. Et le professeur vit que l’ascenseur se trouvait au centre d’une vaste pièce circulaire, entièrement close. Était-ce là vraiment une pièce ? On eût dit plutôt une crypte, aux murs et à la voûte de granit. Elle ne semblait avoir d’autre ouverture que le trou circulaire de son sommet, qui avait laissé passer l’ascenseur.

R.C. avait pris la tête de l’expédition. Le Professeur le suivait, Cassecou fermait la marche. Sans qu’il pût dire comment cela se fit, le Professeur constata que la muraille avait cédé sous les mains de R.C., que l’on s’enfonçait dans la muraille et que l’on se trouvait maintenant dans un étroit couloir aux murs humides. Un petit ruisselet coulait à leurs pieds.

- Pourvu, se disait le Professeur, qu’on retrouve son chemin ! Je me suis laissé dire que les Catacombes sont dangereuses à cause de la difficulté que l’on a à retrouver son chemin... Au prochain carrefour, je ferai une marque dans la muraille avec mon couteau ».

Trois personnages dont un se targuant d’être le « Roi des Catacombes » (d’où le pseudonyme sous la forme des initiales R.C.), un Cassecou et un professeur qui fait des marques sur les parois pour essayer de se repérer … pourtant nous ne sommes pas dans un épisode de Bob Morane mais dans de la littérature un peu plus ancienne car datant du tout début du XXe siècle : « Le roi Mystère » de Gaston Leroux 
[3].
Si l’intitulé de l’étude sonne donc comme un titre de roman, c’est aussi parce que nous aurions tant aimé qu’un épisode de BM [4] se déroule dans des anciennes carrières souterraines parisiennes un tant soit peu réalistes. C’est-à-dire non pas telles qu’elles existèrent à la fin de leur exploitation, mais comme elles sont aujourd’hui : le fruit d’un travail d’architecture unique au monde, constituant un réseau labyrinthique certes, mais qui est exactement la doublure topographique du Paris du XVIIIe siècle, avec ses noms de rues ou de monuments gravés ad vitam aeternam, dont certains ont parfois disparu de la surface depuis. Un péché avoué est à moitié pardonné, et comme il vaut mieux deux fois qu’une, nous sommes certainement déjà absous par avance.  

[3] Ce Roi Mystère date de 1908, cinq années après que Gaston Leroux eut commis La double vie de Théophraste Longuet, autre roman avec un long passage dans les sous-sols de Paris.
[4]
Non pas Blake et Mortimer mais bien Bob Morane ! Pour l’étude des mondes souterrains dans l’œuvre de Edgar P. Jacobs, on pourra lire sur le Net « I Sotterranei nelle avventure di Blake e Mortimer » de Guido Vogliotti (http://www.gorianet.it/lecture/jacobsot/), ou bien attendre son ouvrage en préparation dans une version bilingue. Pour l’étude particulière de L’Affaire du Collier, l’épisode parisien se déroulant dans les Catacombes, les carrières et les égouts de la capitale, on peut aussi voir « E.P. Jacobs spookt door Parijse catacomben » de Bart Vanderkelen, ou bien  http://betm.lhermine.com/
Et pour ceux qui ne l’ont pas encore lue, cette bande dessinée est
accessible sur le site officiel.
http://www.blakeetmortimer.com/spip.php?article28

Sites souterrains artificiels où Henri Vernes entraîne Bob Morane

Hormis les anciennes carrières souterraines, Paris est riche de milliers de kilomètres de galeries techniques (cf. plus loin) qui résonnèrent parfois du pas de Bob Morane : égouts, métro, galeries électriques, pour les communications téléphoniques, etc.

D’autres titres auraient pu aussi retenir notre attention, par exemple : « La revanche de l’Ombre Jaune » et 
        
« Les Fourmis de l’Ombre Jaune » pour ce qui est purement parisien. 
Mais pour ces titres et les suivants, il vous suffira de vous reporter au dossier de la revue « Reflets (des aventures de Bob Morane) » n°88 (datée du 4ème trimestre 2008), consacré aux « carrières et Catacombes de Paris dans l’œuvre majeure de Henri Vernes » : Les dessous de Bob Morane, ou Décryptage non superficiel de certains décors Verniens.

Cette version Internet ® , si elle est librement inspirée de ce dossier de Reflets (avec bien évidemment l’accord de l’auteur initial) est, comme indiqué précédemment, exclusivement consacrée à Formule X33 et aux Semeurs de foudre ; nous espérons que les lecteurs y trouverons de nouveaux éléments, en tout cas au moins de nouvelles illustrations.

Dans les autres épisodes évoqués dans le dossier de Reflets spécial « Paris souterrain », il y a aussi « Snake »
Bien que se déroulant à et sous Bruxelles, il y est en effet fait référence à Paris : quand nos héros s’enfoncent sous les trottoirs belges (aussi bien dans le roman que dans l’adaptation en bande dessinée), comparaison est faite avec les sous-sols de la capitale française. Y est de même traité
« L’œil de l’Iguanodon », qui permet de poursuivre la comparaison entre les sous-sols de Bruxelles et ceux de Paris.

Avec « Les Masques de Soie » est réalisée une petite incursion dans les égouts de London (que nous évoquerons peut-être plus en détail un jour, ainsi qu’une rencontre autant inattendue qu’irréel avec le MI6, au cours de l’expédition 2008 sur place), mais ces galeries techniques et utilitaires sont à peine survolées (« sous » serait plus idoine). 
Ce réseau souterrain sanitaire londonien est aussi abordé dans
« Les sosies de l’Ombre Jaune » : après être descendu dans des caves, reliées entre elles car ayant servi d’abris aménagés pour la défense passive, Bob va littéralement plonger dans un vieil égout, car il y fera un bref passage contraint et forcé comme le bain inattendu qui l’y fera tomber. 
De même, les anciens tunnels du métro de New-York dévasté après une apocalypse (et rebaptisé Niviork), et dont les galeries sont envahies par les eaux, ainsi que le réseau d’égouts de cette ville (ou du moins ce qu’il en subsiste), sont les sous-sols abondamment décrits et parcourus dans
« Les bulles de l’Ombre Jaune » ; mais laissons le soin à d’autres membres du CaveClan ™ 
( http://www.caveclan.org/ ) d’ouvrir les trappes d’accès à ces sous-sols, offrant ainsi l’éventualité d’autres articles potentiels à venir (couplant, pourquoi pas la chose, avec ceux de London). Aurons-nous su amorcer une pompe 

Henri Vernes, dans une interview pour « 33 ans de Bob Morane », nous disait pourtant lui même : « Il est certain qu’il est des pays qui m’intéressent moins ou pas du tout. La Suisse, la Belgique quoique “Snake” se passe en Belgique. “L’Espion sans visage” à Bruxelles et Anvers, “Le sentier de la guerre” à Bruxelles. […] À Paris, l’action se passe généralement dans des
vieux quartiers dégueulasses que j’affectionne [5]
À Londres aussi. C’est un goût qui me vient d’une certaine littérature, Conan Doyle en particulier. Mais c’est un Londres qui n’existe plus beaucoup non plus.
 » Pourtant l’exotisme est parfois tout simplement à la porte de chez soi, à une simple portée de pas, il suffit d’être humble et ne pas chercher à regarder plus haut que ses pieds. Si chacun voit midi à sa porte, chacun peut apprécier la ville au travers de son propre prisme : « Paris souterrain : En surface, il n’y a pas de rosée la nuit ; ce n’est pas une vraie ville. Mais, dans les tréfonds, il y a l’humus autour des racines sous le parc de Montsouris, l’odeur ferme et vivante du calcaire humide, le ruissellement des aqueducs, la saveur du pain et du vin dégustés sous terre où, presque au sens biblique du terme, on peut “toucher” sa ville. » a écrit Daniel Spélaïon Teyssier pour le concours Ma Ville comme Je l’aime, coorganisé par la RATP [6] et le Centre national du livre pour l’opération Lire en fêtes de 2007.

L’étude de différents romans retenus parce qu’ayant une action souterraine urbaine, est donc abordée dans le numéro de Reflets dans lequel est paru le dossier sur « Les “dessous” de Bob Morane ». Le texte qui suit, consacré dans sa première partie à « Formule X33 », constituait le corps principal du dossier, tandis que les autres romans étaient développés dans les annexes, dont nous ne vous conseillerons jamais assez la lecture.

La nouvelle « Une voix d’enfant » (aussi titrée « Un cri dans la nuit ») aurait pu aussi faire l’objet d’une annexe aux « Dessous de Bob Morane », car se déroulant dans une mine de charbon, autre souterrain artificiel. Quant à l’histoire s’intitulant « Les cavernes de la nuit », elle évoque des sous-sols karstiques en région parisienne … trop beaux pour être vrais : « d’insondables cavernes à 100 km à peine de Paris » !? En effet, si des karsts (= des cavités naturelles issues de l’action de dissolution due à la circulation d’eau) existent bel et bien dans la banlieue de Paris, ceux-ci n’ont ni l’ampleur, ni l’amplitude décrite dans le corps de l’histoire ; on peut voir à ce sujet l’incontournable publication « Gouffres et abîmes de l’Ile-de-France », aussi dit le GAÏF, un numéro spécial de la revue « Recherche, bulletin du groupe spéléo du CCdF » publié au cours du 2ème trimestre 1980.
Une autre grotte par exemple, baptisée tantôt de
caverne [7], est aussi visitée par Bob et Bill dans « La Vallée des Crotales » ; mais comme le passage souterrain de cette histoire se déroule dans une cavité naturelle (du désert du Nouveau Mexique), qui plus est uniquement accessible à des plongeurs spéléos, laissons le soin d’en traiter aux spécialistes de ce domaine de pointe dans l’exploration souterraine, dont un célèbre Ph.B.

[5] Dans « Formule X33 », on lit : « La 403, après avoir franchi la Seine par le pont de la Tournelle et le pont Marie, s’engage dans un labyrinthe de ruelles serpentant entre le quai des Célestins, l’Hôtel de Ville et la rue Saint-Antoine, pour s’arrêter finalement devant la porte cochère d’une maison décrépie, portant au moins trois siècles sur ses murs branlants. Sa façade était étayée par des madriers et sans doute devait-elle uniquement à son grand âge de n’avoir pas déjà été offerte en holocauste à la pioche des démolisseurs.La double porte [au numéro peint à demi effacé] avait été ouverte, et la voiture pénétra sous un porche pour, au bout d’une dizaine de mètres, déboucher dans une large cour envahie par les mauvaises herbes poussant entre les pavés en ronde bosse. » Il y a ici quelques lignes qui évoquent un certain « Bureau tranquille » où l’on peut user ses fonds de culottes prématurément ; on se retrouve tous un peu à un moment donné dans Bob Morane, à défaut d’avoir tous en nous quelque chose du Commandant ! De toute manière, « comme tout écrivain, Henri Vernes a doté son personnage de traits de caractère, de goûts, de manies qui font ressembler le héros à son créateur » (« 33 ans de Bob Morane »), et s’il est adopté par des lecteurs, c’est qu’ils s’y retrouvent soit en vrai, soit dans leurs fantasmes.
[6] En cette toute fin 2008, la RATP vient de participer à l’édition de l’ouvrage « Paris Metro Style » (co-écrit par Mark Ovenden et Julian Pepinster) sur l’histoire de son réseau au travers des multiples plans qui existèrent ; plusieurs centaines illustrent ce livre qui devient la référence incontournable sur le sujet. Le « métro » ne se décida en effet que dans les années 30’s à figer la représentation de son réseau d’un point de vue stylistique et du design. (http://www.amazon.fr/Paris-Metro-Style-Mark-Ovenden/dp/1854143220)
[7] D’ailleurs dans cette grotte, les cavernes succèdent aux cavernes ; bizarrerie linguistique s’il en est !

D’autres aventuriers Moraniens … parfois précurseurs

Profitons-en pour signaler deux autres séries aventureuses dont l’esprit (et pour l’une jusqu’à la lettre) rappellent un peu le principe des histoires de Bob Morane.

Au mitant des années 50’s, les éditions Ferenczi (alors rue Antoine Chantin dans le 14ème, et imprimées à Montrouge) publiaient hebdomadairement des romans d’aventure d’une trentaine de pages (sous le nom de « Mon roman d’aventures »). Les histoires se déroulaient dans toutes les contrées (bien évidemment les pays exotiques servirent abondamment de décors, et le monde souterrain des grottes ne fut nullement oublié), mais on y trouve aussi un certain nombre d’épisodes fantastiques ou science-fictionnesques … un peu comme dans celles de Bob Morane quelques années plus tard.

De même qui a remarqué que nos deux aventuriers internationaux dont l’un reporter, Bob Morane et Bill Ballantine, ont une certaine parenté avec Bob Curry et Pierre Ribard (l’un journaliste et l’autre photographe, l’un français et l’autre anglo-saxon [8]), les deux « Globe-Trotters » de la télévision ? Ils parcourent le monde en quête de reportages (pour le journal France-Soir, si on devait en nommer un [9]), et doivent régulièrement donner le coup de poings contre toutes sortes d’individus patibulaires, entre deux sauvetages de riches héritières, avec de temps en temps apparition en guise de Sophia Bancroft Paramount [10], d’une Sophie (homophonie pas forcément due au hasard) Fiorelli, ex-fiancée de Bob, hôtesse de l’air à Air France. Et tout récemment Robert Ménard fit l’objet (fut le sujet) du portrait quotidien de Libération publié en dos du journal le jeudi 5 juin 2008, avec comme titre d’accroche « L’agité du vocal ». Cette description commence par « Robert est amer, Ménard est furibard. C’est pourtant son heure de gloire : depuis le coup d’éclat d’Olympie, où, surgissant tel “Bob Morane contre tout chacal”, il a perturbé la flamme olympique, jamais Reporters sans frontières n’a eu un tel impact » ; comparaison parfaitement idoine puisque comme son confrère de plume, Robert (donc Bob) Ménard – tient les mêmes initiales, nul n’échappe à sa prédestinée ! – se porte partout dans le monde où la liberté d’un journaliste, et donc de la presse, est en péril.
Ils ont donc tous les deux le même terrain de jeu global, au sens de mondial car sur notre globe.

Néanmoins, foin de ces théories de filiation et autres énumérations d’épisodes verniens lancinantes qui pourraient paraître décevantes par le nombre d’absents. Chaussons nos bottes, prenons une lampe, de l’éclairage de secours, notre sac à dos, des vivres [11], et suivons le guide, afin de tenter de démêler notre « fil d’Ariane » ™ parmi les inextricables labyrinthes des deux seuls épisodes retenus icitte !

[8] Ici c’est Pierre le journaliste, tandis que Bob est américain. Ces deux autres véritables « Globe-trotters » (à la marque véritablement déposée !) davantage connus sous leurs noms d’acteurs Edward Meeks et Yves Rénier, et sévirent à la télévision dans la série éponyme de Claude Boissol entre fin 1966 et 1969.
[9] Car Jacqueline Cartier, journaliste à ce quotidien, fut co-créatrice de la série et des deux personnages ; elle en fut aussi l’une des premières scénaristes. Dans le feuilleton, nos deux journalistes vendent leurs reportages aux journaux des pays qu’ils traversent et même, ce qui est assez emblématique de leurs types de voyages et d’aventures au « bout du monde », à National Geographic. Bob Morane, s’il n’était correspondant de Reflets, aurait pu faire de même !
[10] « L’amie » de Bob Morane, celle dont les « regards ne quittaient pas Morane. Elle avait hâte de regagner le XXe siècle en sa compagnie. Afin qu’il l'invite pour un petit dîner en tête à tête dans un restaurant chic. Et, s’il ne l'invitait pas, ce serait elle qui l’inviterait, à Londres... Elle se ferait si belle qu’il ne pourrait pas s’empêcher de lui faire la cour ... Après tout, il lui devait bien ça », dans Le soleil de l’Ombre Jaune. (Comprenne qui pourra !)
[11] « On avait reçu l’avis de se vêtir chaudement, d’apporter quelques provisions de bouche, au moins le classique petit pain, non qu’il fût question de célébrer dans la demeure des morts un banquet funéraire, mais parce que l’on comptait rester quatre heures à faire cette exploration, et qu’il était à craindre que dans ces froides et humides régions quelqu’un ne fût pris de défaillance ; et aussi parce qu’il n’était pas impossible que quelque groupe ou au moins quelque individu vînt à s’égarer ou à être séparé par un accident imprévu », nous dit L.F. Hivert dans son Esquisse sur les Catacombes de Paris et sur les Catacombes de Rome en 1860.

Les sous-sols parisiens : une multitude de galeries technique

                                                                                    
                                             Dessin original de Serge Paquot , d’après une photographie de Emmanuel Gaffard .

Dessin original de Serge Paquot , d’après une photographie de Emmanuel Gaffard . Bob Morane se trouve ici au niveau de l’ancien accès des Catacombes de Paris (l’ossuaire tant municipal que général de la Ville de Paris), reconnaissable à cette croix noire surmontée de Æquat omnes cinis ; impares nascimur ; pares morimur de Sénèque [12]. Bob semble se méfier, mais on ne se méfie jamais assez, il pourrait « croiser un ouvrier avec une brouette, et se blesser en se cognant contre ladite brouette », seul risque physique encouru dans les Catacombes de Paris. Quant aux anciennes carrières souterraines, si l’on en croit Paul Fassy (auteur de « Les Catacombes, étude historique » chez E. Dentu) en 1861 : « On court cependant de très-grands dangers à pénétrer dans les Catacombes autrement que par les trois entrées officielles. […] On avance, on avance toujours, et le froid vous gagne, et les pieds se mouillent, et l’effroi revient en pensant que 26m,60 d’un sol tout lézardé vous sépare du Paris vivant. Mais qu’on se rassure, les travaux de consolidation commencés par Louis XVI en 1778 (sic) se continuent de nos jours sous l’habile direction de M. de Hennezel, et toute crainte a disparu. Là, n’est pas le danger. » Précisons que LE danger, sous-tendu par Fassy du temps de Charles Louis de Hennezel (Inspecteur général des Carrières de 1858 à 1865) est essentiellement dû à l’aspect labyrinthique de la chose. Ce que nous confirme son successeur Michel Eugène Lefébure de Fourcy (Inspecteur général de 1866 à 1870) [13]: « les galeries se croisent et s’entre-croisent en tous sens ; elles forment un réseau des plus compliqués : le célèbre labyrinthe de Crète ne saurait entrer en comparaison avec l’inextricable dédale des carrières parisiennes », écrit-il en 1878. Mais rassurons-nous, il est infiniment plus dangereux de traverser une rue dans Paris que de se promener dessous, pour différentes raisons, dont l’essentiel, la responsabilisation des personnes qui y circulent, qui ont fait l’effort d’y accéder et connaissent les particularités de ce milieu différent du plein air, et donc s’y déplacent avec les précautions nécessaires (on ne vient pas comme cela pour parcourir les sous-sols parisiens du Canada, des USA ou d’Australie sans savoir à quoi on s’attend et sans y être préparés !). Seul Philibert Aspairt pourrait éventuellement et à juste titre formuler le contraire, mais il n’est plus là pour le signifier, ni en témoigner, en ayant été la victime expiatoire en 1793.

Si l’illustration ci-dessus nous plonge directement dans le cœur de notre propos (les Catacombes de Paris), cet ossuaire municipal ne représente que 1/700e de toute la surface capitalistique sous-minée par des carrières souterraines. On peut raisonnablement estimer à environ 250 km les galeries de servitude de l’Inspection des carrières [14], soit l’ensemble de ce qui reste parcourable au niveau des anciennes carrières de Paris. Pourtant, que cette valeur ne nous fasse pas ravaler ces lanternes magiques au niveau de vessies : les carrières sous Paris représentent bien La Mecque du monde souterrain pour les « explorateurs urbains » venus spécialement s’y retrouver. Mais cela reste néanmoins un Golgotha en comparaison de l’Everest (pardon Chomo-Lungma) que représentent les égouts qui, eux, culminent à 2430 km pour l’instant, soit approximativement la distance de Paris à Moscou (et cette valeur est en progression constante), et dans lesquels nous plongeons aussi volontiers nos Waders.

[12] Traduit par « La mort nous confond tous sous un même niveau ; la distance des rangs se perd dans le tombeau ». Voir à ce sujet la « Description des Catacombes de Paris, précédé d’un précis historique sur les catacombes de tous les peuples de l’ancien et du nouveau continent », ouvrage incontournable de Héricart de Thury, l’aménageur des Catacombes de Paris (livre publié en 1815 et désormais téléchargeable sur GoogleLivres ™).
[13] Notons qu’entre les deux, de 1865 à 1866, l’Inspection des carrières sera dirigée par Charles Aimable Alban du Souich.
[14] 280 km (dans le dossier de présentation de l’IGC datant de 2004 ; la même année le rapport interne du service des carrières parle de 200 km de galeries accessibles sous la voie publique), ce que le site Internet de la Ville de Paris traduit dans le même temps par 300 km. Pourtant si l’on en croit un spécialiste et non des moindres, le commandant Jean-Claude Saratte qui avait créé l’Équipe de Recherche et d’Intervention en Carrière de la Préfecture de Police (= l’Éric), celui-ci en mesurant sur plans obtient exactement 135 km (chiffres publiés dans Aujourd’hui Paris) répartis comme suit : il n’y a que 102.8 km pour le GRS (savoir 69 km dans le 14ème, 12.8 dans le 6ème, 12.6 dans le 15ème, 8.4 dans le 5ème) plus 25 km dans le 13ème, 7.2 km dans le 16ème … et enfin 350 m dans le 12ème (en faisant abstraction des réseaux sous le bois de Vincennes aujourd’hui parisien). On peut aussi faire un distinguo entre ce qui est sous les voies publiques de Paris, 91 km, et ce qui est sous les propriétés de la Ville et de l’État, 44 km. À ce total de 135 km, si on accepte d’y ajouter une centaine de kilomètres sous les propriétés privées, on atteint enfin un linéaire approchant des 250 km … ouf, l’honneur est sauf !

                             
                   la célèbre librairie Thomas

Les dessous de Paris, selon deux versions connues. Le dessin de gauche, le plus connu est dû à Éd. Renard (extrait du Magasin Pittoresque, gravé par Best Hotelin et Cie) ; on y voit la célèbre librairie Thomas !   
Tandis que celui de droite est plus crédible quant à la hauteur des galeries de carrières : à peu près la taille d’un homme debout
.

 À ces deux réseaux principaux (il ne faut pas oublier que « C’est dans les égouts de la capitale qu’ont lieu les dîners en ville » titrait un article au début des années 80’s alors qu’il évoquait les anciennes carrières souterraines) [15], on pourrait ajouter :

167 km de voies du métro à Paris intra-muros (pour un total de 211 km au total de lignes voyageurs (dont 43 en banlieue) et 260 km de couloirs (donc au niveau des stations) ;

plus de 440 km de « galeries » dévolues « chauffage urbain » (aussi connu par les parisiens sous le sigle de CPCU) ;

plus de 45 km pour un réseau de climatisation en pleine expansion ;

enfin 120 km de galeries EDF et 50 km de galeries pour les communications téléphoniques en site propre ;

sans oublier pour autant les caves, les cryptes, les parkings souterrains, les anciens abris de Défense Passive, etc., etc. ; soit au total une trentaine de concessionnaires différents qui se « partagent » le sous-sol, parfois s’évitent, se côtoient ou tombent inopportunément l’un dans l’autre. Ce fut le cas lors des travaux de création d’un nouvel escalier d’accès pour les Catacombes place Denfert-Rochereau en 1982 : il y fut découvert une galerie appartenant à la RATP, présente malencontreusement là. D’où pour accéder au circuit de visite, une première volée de 25 marches suivie d’un palier, avant que les très nombreux visiteurs ne commencent la descente des 106 dernières marches menant enfin au niveau des carrières souterraines [16].
Les touristes débouchent alors dans deux salles d’un abri de Défense Passive beaucoup plus vaste, suffisamment spacieuses pour avoir été converties en cimaises d’exposition 
[17]. Avant d’atteindre l’Ossuaire au sens strict, la cohorte de visiteurs aura donc traversé sans le savoir ou sans en prendre conscience, le niveau des caves du bâtiment de l’Inspection des Carrières, puis du métro,
un abri DP et plusieurs centaines de mètres de galeries de servitude de l’IDC.

[15] Dans le magazine modeux Il, numéro d’avril 1982, article signé Adrian H Darmon
[16] Chacun sait que le métro est un mode de transport antédiluvien à Paris, et le service des carrières (qui supervisait les travaux du nouvel accès) n’a pas encore découvert tous les emplacements où ce système enfoui avait développé tous ses tentacules !  
[17] Du 4 mars 2009 au 28 février 2010, celle-ci aura pour titre :
Paris-Palerme : dialogues de l’au-delà (photographies d’Olivier Mériel). Y sera présentée une série de clichés des fameuses Catacombes capucines de Palerme dont la particularité est de présenter des dizaines de corps momifiés, vêtus de leurs costumes d’époque ; religieux et civils, hommes, femmes et enfants qui (re)posent dans leur éternité. (Planche extraite de De silence et de sang T1 « La nuit du tueur de loup », de Corteggiani et Males, publié par Glénat).

Autrefois, les gestionnaires des Catacombes avaient un souci pédagogique et étaient fiers de montrer la richesse du sous-sol [18], comme en témoignent les deux photos suivantes, prises dans l’ancien parcours d’approche de l’ossuaire municipal, et qui matérialisent des travaux préalables à l’établissement du Métro et du RER (à l’époque ligne de Sceaux) : la première se trouve sous la place Denfert-Rochereau, la seconde à proximité de la station de RER.

Cette plaque en tôle émaillée commémore les travaux réalisés pour la consolidation de la ligne 4 (porte de Clignancourt – porte d’Orléans) lors de sa traversée du secteur Denfert-Rochereau.
On y lit les noms de Wickersheimer alors Inspecteur général des carrières et de Weiss qui le remplacera à partir de 1907. Sur la dizaine de telles plaques dont on peut actuellement retrouver l’empreinte in situ, seulement deux ont échappé au pillage et sont toujours en place, dont celle-ci, la seule qui était visible autrefois par tout un chacun, car dans le parcours de l’ossuaire municipal. Mais comme maintenant les touristes pénètrent dans les Catacombes par le pavillon oriental de la barrière Denfert, ils ne passent plus sous la place et donc devant cette plaque. De plus, le hasard veut qu’à proximité (non immédiate) se trouve le cartouche laissé par Paul Weiss en 1890 lorsqu’il était élève à l’École des Mine
s (
http://www.annales.org/archives/x/weiss.html), et qu’il existe aussi dans les environs, de très nombreuses inscriptions manuscrites laissées par un dénommé Émile Gérards qui venait tout juste d’intégrer l’IDC (il avait alors 15 ans !), et qui devient célèbre par ses écrits sur le Paris souterrain. © photos Jean-Luc Largier.  
                                                      
           plaque en tôle émaillée       inscriptions manuscrites laissées par un dénommé Émile Gérards              ligne de Sceaux

  Cette inscription, rappelant les travaux de la première prolongation de la ligne de Sceaux (© photo Franck Albaret http://www.annales.org/archives/x/humbert.html) a maintenant perdu son sens quant à sa localisation. En effet, elle avait été positionnée exactement sur le parcours des Catacombes de Paris pour être parfaitement vue par les visiteurs, ceci dans un louable souci d’information à leur encontre. Mais, comme la précédente, cette inscription se trouve maintenant en dehors des galeries ouvertes au public et offertes à sa curiosité : elle se trouve maintenant à l’extérieur des murs de confinement réalisés au tout début des années 80’s, isolant totalement le secteur dévolu à la visite payante, de l’ensemble du Grand Réseau Sud des galeries d’anciennes carrières souterraines. À proximité, est aussi visible l’inscription manuscrite laissée par Octave Keller en 1859, pendant son exercice topographique effectué lorsqu’il était élève à l’École des Mines de Paris, son école d’application de Polytechnique.
http://www.annales.org/archives/x/promo-1858.html
http://www.annales.org/archives/carrieres.html.



Cette fine couche de l’écorce terrestre urbaine, à l’interface rue / sous-sol


Les sous-sols de Paris, voilà donc bien un gigantesque terrain d’aventure à la fois proche du domicile parisien de Bob Morane, et dont la majorité des accès est relativement discrète pour qui n’en possède pas la clef pour les trouver. Loin d’être évidents au premier coup d’œil, ils sont généralement invisibles du piéton parisien qui pourtant les caresse tous les jours du pied. Ces moyens de pénétrer la face obscure de la Ville-Lumière, sont en effet des :

                   Boucliers lentement patinés, sous les intempéries et le soleil

                    ils luisent doucement et nous montrent la couleur du ciel,

                    eux qui (c)ouvrent le passage vers la profondeur obscure

                     par où nous évacuons ce dont nous n’avons plus cure.

comme l’a si bien écrit Luc Chaumont (Vichy - France - Avril 1998).

http://www.manhole-covers.net/
http://inter-locutions.blogspot.com/search/label/%C3%A9gout
http://www.covers-to-discover.com/gb/participer.html

[18] L’Inspection, dont dépendait le musée des Catacombes (= l’Ossuaire), possédait aussi au sein même de son bâtiment un musée dédié à la géologie des sous-sols de Paris, qui ouvrit en 1933. Il contenait 600 pièces rassemblées par les agents de l’Inspection, mais malheureusement il s’est éteint tel un musée-dinosaure sans donner aucune descendance.

Cependant de temps en temps, il est possible de croiser à Paris, à la fois « ville-lumière » et capitale du romantisme, des personnes un peu boueuses, qui semblent émerger d’une « plaque d’égout » avec un sourire radieux qui en devient suspect. C’est celui de personnes qui nous jouent un bon tour de par l’incongruité de la situation d’un diable qui sort d’une boîte quand on ne s’y attend pas ; mais de plus ces individus paraissent entièrement ravis de leur séjour ailleurs tout en étant restés à Paris. Malgré la première image que l’on puisse avoir des sous-sols de la capitale, ce ne serait donc pas cet enfer nauséabond, sale et repoussant, mais quelque chose davantage proche du paradis sur (ou plutôt sous) terre ? Et il arrive que cette rencontre déclenche un sourire de connivence lorsque l’on croise quelqu’un qui sait, que l’on devine qu’il sait, parce que lui aussi partage ou a partagé cette expérience d’un autre Paris. Cet espace féerique peut s’avérer parfaitement ludique pour peu qu’on le respecte, ce que faisaient les ELFES (Esprits Ludiques des Féeriques Espaces Souterrains), dont l’un des animateurs au début des années 80’s, le principal sinon le seul, fut un maître sous terre, mais la morale de l’histoire, amorale s’il en est, est respectée puisqu’il arrive parfois que le disciple dépasse le maître. Et pour ceux qui n’étaient pas au courant, qu’ils sachent qu’il fut à l’origine d’un plan de circulation cataphile reconnaissable à ses symboles codifiés et parfois repris par d’autres qui en ignorent l’origine. Depuis, il est devenu un expert de la plongée souterraine (Mexique, Nouvelle Calédonie, mais aussi en France métropolitaine, etc.), et il fut également un temps Président de la Fédération Française de Spéléologie et aussi de la Commission Plongée de la dite FFS : j’ai nommé Ph.B, membre de l’ABC, l’Association (de fait) des Brunet Cataphiles.

                                                                                     
                                                                      
       Les dessous chics de Paris 

                                                                                        
                                                                 Cette photo, qui pourrait choquer quelques esprits chastes

Les dessous chics de Paris
Voici un deuxième moyen de pénétrer dans les sous-sols de la capitale, autrement plus aventureux parce que légalement interdit  [19], mais toujours d’actualité et ce depuis que les carrières sont sous la tutelle d’une Inspection des carrières (créée le 4 avril 1777). Ainsi lit-on le 9 mai 1777 sous la plume de Dupont, professeur de Mathématiques, qui avait été pressenti en 1776 pour étudier ce qu’il y avait à faire pour éviter que Paris ne s’écroule dans ses propres entrailles : « Nous avons des gens qui viennent la nuit et les [jours de] fêtes dans nos carrières. Ils nous débouchent les puits. J’ai le nom de trois et la demeure de deux que je viens de donner à Mr le lieutenant de police ».
Cette photo, qui pourrait choquer quelques esprits chastes, se veut purement illustrative. Ne pas oublier que les cataphiles sont toujours « au dessous de tout » !
© Franck Albaret.

[19] Pourtant lorsque l’on interviewe des personnes (anciens scouts ou élèves de l’École des Mines) ayant fréquenté les carrières dans les années antérieures à 1955 (dossier sous presse pour « Signe de Piste » ; cf. infra), on constate que le sentiment d’interdit était déjà présent, d’où des descentes après la tombée de la nuit pour ne pas se faire voir des « surfaciens » ou attraper par la police. Ainsi pour les différentes personnes interrogées, qui ont connu le vaste réseau des carrières dans l’immédiat après guerre (et avant donc 1955), lorsqu’elles apercevaient de la lumière sous terre, le réflexe était de se cacher étant persuadées être  les seuls individus à circuler sous Paris, et craignant en conséquence avoir à faire à la police. Autres souvenirs typiques par exemple, un membre du Clan Parisien (= de Paris Est) qui descendait dans les années 1948 à 51, se souvint avoir fini une nuit au poste, étant un jour sorti à proximité du Val-de-Grâce. De même en 1952, Raymond Fischesser (P33) dut négocier la « libération » de Mineurs du commissariat où ils avaient été emmenés à 3 heures du matin, négociation dans lesquelles l’ancien directeur de l’école s’impliquait fortement à chaque fois qu’il y eut de « mauvaises » rencontres avec la police. L’hébergement nocturne et à titre gracieux au sein de « l’hôtel de police » était donc déjà la norme avant 1955, mais rien ne pouvait légalement être retenu contre ces « visiteurs du noir ». D’autres cataphiles (doublement d’avant l’heure, car avant l’interdiction par un arrêté entraînant un délit officiel pour tout contrevenant, et donc bien avant la création du mot datant du début des années 80’s, mais institutionnalisé en 1983 par une étude sociologique financée par le ministère de la Culture), lorsqu’en soulevant une plaque ils découvraient la présence fortuite de représentants de l’ordre en uniforme réglementaire, la personne affectée à l’ouverture du tampon de sortie s’arrangeait pour le remettre le plus discrètement possible, et le groupe cherchait alors une sortie ailleurs … moins exposée. Comme quoi la crainte de l’uniforme est quelque chose d’atavique !

En fait, certains chantiers permettent de réactualiser des accès parfois condamnés depuis des lustres, en les réactivant. Ainsi « Nous étions sept : trois botanistes qui ont passé maintes journées au milieu des bois, à la recherche des plantes marquées de trois R dans la Flore française ; le peintre Paul Perrey, qui a beaucoup voyagé dans les plaines de Montrouge, à cheval sur son pinceau ; deux touristes qui ont goûté le caviar sur le sommet neigeux du mont Olympe ; et votre serviteur, qui a souvent, hélas ! mangé du cheval enragé entre les buttes Chaumont et les buttes Montmartre. Nous nous promenions en flâneurs, un soir du mois de mars 1867, lorsque nous aperçûmes, au milieu d’un chantier de fondations, un puits dans lequel pendait un câble.

- Descendons ! dirent les touristes.

Nous descendîmes.

Deux minutes plus tard, nous étions dans les Catacombes.

Une excursion à travers ces carrières à peu près inconnues, était une entreprise téméraire ; mais la perspective d’une étude intéressante nous décida.

Munis d’une lanterne, de bougies, de vivres et d’un thermomètre qu’un botaniste était allé chercher, nous nous enfonçâmes dans des galeries tortueuses, à ramifications innombrables, composées d’une série de renflements et d’étranglements, qui semblent être les intestins de Paris. » Cette invitation provient de l’ouvrage de Pierre-Léonce Imbert « Les catacombes de Paris » (1867) [20], sous titré « Guide illustré de vingt planches hors texte par Paul Perrey ».

 

 Déjà en 1900 on entendait cette rengaine, alors à la mode :

                                          Sur nos boul’vards on voit parfois

                                          Des gens qui d’un air de mystère

                                          Descendent deux cents à la fois [21]

                                          Dans les profondeurs de la terre

                                          Seraient-ce des premiers chrétiens

                                          Cherchant l’abri des catacombes

                                          Et ma foi, ça se pourrait bien

                                          Dans le siècle de M. Combes.

Mais là les illusions sont trompeuses, car il s’agit d’autres voyageurs souterrains puisque cette chanson s’intitule Les Gaîtés du métro, composée par Mévisto et Bonnaud, chansonniers de 1900 qui exprimaient ainsi leur méfiance vis-à-vis de cette invention nouvelle, fraîchement inaugurée puisque le 19 juillet 1900.

[20] Il écrivit une fameuse réclamation contre le Service des Carrières fin 1870, début 1871, qu’il co-signa avec Paul Perrey : « La surveillance de ces carrières est confiée à une administration qui siège à l’Hôtel de Ville. Nous affirmons que cette administration ne fait point ou fait mal son service. Nous affirmons connaître un grand nombre d’entrées particulières qu’elle ignore, et beaucoup d’autres qu’elle doit connaître, mais qu’elle ne surveille pas. [...] En conséquence, nous réclamons la destitution et le remplacement des employés du bureau des carrières. Nous nous engageons à faire de curieuses révélations sur des chefs de bureau qui, au lieu de s’occuper de leur service, coiffent leur crâne pelé d’une calotte, s’endorment sur leur fauteuil, et ne s’éveillent que pour toucher des pots de vin et des émoluments auxquels ils n’ont aucun droit. »
[21] Dans le journal « L’Exposition Populaire Illustrée » de 1867, on trouve ce même nombre de 200 visiteurs. « Descente aux catacombes : sous la conduite d’agents du service des carrières, une descente générale dans les catacombes de Paris a eu lieu aujourd’hui (25 août). À une heure et demie, plus de deux cents visiteurs, parmi lesquels on remarquait un assez grand nombre de dames, était réunis à la barrière d’Enfer, dans la cour de l’ancien bâtiment d’octroi ».

Résumé de la fréquentation des carrières circum l’ossuaire

L’étude sociologique de 1983 financée par le ministère de la Culture sur la fréquentation des carrières de la capitale (« Mission anthropologique dans les souterrains de Paris »), toujours d’actualité aujourd’hui [22], indiquait que « l’IGC semble être dans une nécessité dialectique avec les clandestins. D’abord, le décret interdisant l’accès aux carrières et le refus de donner des permis poussent à une circulation clandestine [qui] a pour effet pervers une régulation des déplacements. Ce contrôle indirect est plus efficace que ne pourrait l’être un service d’agents appointés ou une distribution sélective de permis. […] Bien sûr cette logique de la surveillance souterraine est tacite et il ne saurait être question, ni pour l’IGC, ni pour les cataphiles, d’en faire une stratégie ouverte. » (« Cachez ce sein etc. »)

Dans « La Cité des Cataphiles », de Barbara Gloswzewski et al.) (ouvrage qui permit au « grand public » d’accéder aux résultats de l’étude ci-dessus), on y apprend que généralement les cataphiles « prennent plus de précautions dans leurs descentes que s’ils étaient dans un lieu public. L’IGC est ainsi en quelque sorte déchargée d’une responsabilité qu’elle n’a de toute façon aucun moyen d’assumer. On comprend donc que s’impose à l’évidence cette politique de l’autruche : tactique de l’accord tacite, l’IGC s’enterre et ne dit rien, quitte à rugir de temps en temps. » Lorsqu’un violent mécontentement agite l’IGC (suite à un article de presse vantant l’exotisme des « virées souterraines »), sans prévenir elle « prive les cataphiles d’une entrée de carrières, en condamnant une porte, en scellant une plaque ou en bouchant intégralement un puits ». Mais en violation de ses « principes », de temps en temps elle-même vante dans la presse la richesse historique des carrières [23], se contredisant « alors qu’elle voudrait laisser les carrières dans l’ombre pour n’inciter personne à y descendre, c’est elle qui leur fait de la publicité ! » (« Faites ce que je dis, etc. »).
Le microcosme des cataphiles [24] est beaucoup plus important et soudé que les autorités ne voudront jamais le reconnaître. Leur vie souterraine peut s’assimiler à la vie quotidienne d’un maquis pendant la seconde guerre mondiale, dans ce sens qu’elle ressemble plus à celle d’un régiment sans caserne ni intendance ou d’un camping sans trop de matériel ni confort, mais néanmoins avec le minimum nécessaire (éclairage, bottes, vêtements ne craignant pas les salissures, vivres, plans, etc.) mais aussi à celle d’un réseau d’espionnage. La discipline imposée par les contraintes du milieu (obscurité totale, humidité permanente, nécessité de préserver la discrétion des accès, ne pas se faire prendre par les autorités) est librement consentie. La communauté des cataphiles est aussi semblable à celle des maquisards parce que dans les deux cas ce sont des sociétés secrètes dont les membres utilisent des pseudonymes, car ils sont en lutte contre l’ordre établi [25]. Mais les moyens sont aussi différents en ce sens que maintenant ils font appel à l’informatique : non seulement tous les plans sont accessibles sous un format numérisé, mais le réseau maintient le contact entre ses différents membres par un maillage virtuel devenu indispensable de nos jours, l’Internet ™ (le roi des réseaux, mais le réseau du peuple, un autre domaine ou les pseudonymes sont légions). Les sources de pseudonymes sont aussi diverses et variées que le sont l’imagination et les références que chacun possède de par sa culture et ses connaissances générales : il y a le cinéma, la littérature, la bande dessinée, la mythologie … il n’est donc guère étonnant de trouver un Bob Morane parmi les cataphiles (qui faisait partie de la Catas « Confrérie des Arpenteurs des Ténèbres et d’Abîmes Souterrains » et de l’Association des Cataphiles Paysans, tous groupes informels comme le fut l’Armée des Ombres [26]

[22] Encore plus aujourd’hui puisque sa réédition augmentée de 110 nouvelles pages (mais rien de neuf par rapport au mémoire d’origine consultable dans différentes bibliothèques dont la BHVP) est parue depuis octobre 2008 pour 250 heureux bénéficiaires. L’annonce en avait été faite via les ondes électroniques du réseau virtuel Internet ™ ainsi qu’en laissant des tracts dans toutes les bonnes galeries … du réseau bien réel celui-là des anciennes carrières souterraines de Paris. Quant à la fréquentation des carrières de Paris entre les années 1945 et 1955, on attendra le dossier devant paraître dans la revue « Signe de Piste » : « Les dits et les non-dits des scouts dans les carrières et catacombes de Paris, d’après et à partir de Pas de chewing-gum pour Pataugas, de Mik Fondal ».
[23] Comme exemples on peut citer (liste bien évidemment non exhaustive mais représentative) : « Les entrailles de Paris » dans Paris aux cents villages, n°10 (avril 1976), p.8-16 ; article suivi l’année d’après par une très grande exposition commémorative pour le bicentenaire de l’Inspection des Carrières (organisée en 1977 à l’Hôtel de Ville) ; « Paris et ses carrières souterraines » dans Ville de Paris (magazine municipal), n°33 (mai 1982), p.30-33 ; « Descente dans les carrières de calcaire », dans De vive voie (mars 1988) ; « Les dessous de Paris » dans Paris-Mairie (décembre 1990) ; … et tout dernièrement sur les fenestrons on put voir « C’est pas sorcier », émission télévisée sur France 3 consacrée à la France souterraine (8 et 11 mai 2005) ; ceci sans parler de l’exposition « Paris sans dessus-dessous » qui se tint au Pavillon de l’Arsenal en 1991, où la ville de Paris exposait de manière interactive les sous-sols de la capitale à force de décors grandeur nature, et qui donna lieu à de multiples compte-rendus dans la presse et les médias audio-visuels !
[24] Puisque tel est leur nom de baptême apparu dans le mémoire de Barbara Glowczewski, qui donna naissance à l’ouvrage : « La  Cité des Cataphiles (mission anthropologique dans les souterrains de Paris », publié par la Librairie des Méridiens (1983). Cette néonymie fut adoptée de suite par la population souterraine et les médias. En 1985 fut créée le substantif antinomique « cataclaste » pour distinguer, parmi la population des arpenteurs des carrières de Paris, ceux qui par leur action, volontaire ou non, avaient une conséquence négative sur l’intégrité de ces réseaux parisiens (tags, vol de mobilier historique, comblement par du béton des galeries, etc.).

                                                                       
                       ( Confrérie des Arpenteurs de Ténèbres                         Outre un certain Bob Morane             un troisième tract ?
                        et d’abîmes Souterrains
  )                                            on trouvait Corto ( un autre héros )


Deux exemples de tracts ramassés sous Paris dans les anciennes carrières, à la fin des années 80’s / début des années 90’s ; la CATAS, dont fit partie un cataphile ayant choisi comme pseudonyme Bob Morane, étant la Confrérie des Arpenteurs de Ténèbres et d’abîmes Souterrains. Ce mode de diffusion via un support papier, s’est développé dès le tout début des années 80 ; il revêtait alors la forme d’affichettes d’un simple format A4 (à l’époque ronéotypées), « collées » sur les parois des confortations en les humidifiant éventuellement au préalable à l’aide de l’eau trouvée très aisément dans les galeries. Les premiers seraient dus aux Nains nettoyeurs, invitant les amateurs des carrières à remonter leurs ordures (ce qui commençait donc à ne plus aller de soi). 
Parmi les membres de la Catas, association de fait, outre un certain Bob Morane on trouvait
Corto (un autre héros de bande dessinée) et Cytee. Ces tracts sont un des moyens de communication utilisés par les cataphiles et créés dès le tout début des années 80’s. Les autorités utilisèrent aussi parfois ce moyen, par exemple la police pour rappeler qu’il est interdit de pénétrer et circuler dans les anciennes galeries de carrières sous Paris sans autorisation mais que, si des personnes le font néanmoins, ce seraient bien qu’elles soient vaccinées contre la leptospirose, maladie à évolution mortelle transmise par l’urine de rat (voir le tract suivant : Je vois la vie en Leptospirose ramassé le 23 mars 2008).
Si dans les années 80’s, période qui marque un renouveau dans la fréquentation des carrières de Paris, une internationalisation était latente, c’était encore un phénomène franco-parisien, bien que l’on puisse trouver sous Paris des traces de passage d’étudiants étrangers depuis au moins le XIXe siècle. Par exemple, on trouve les noms laissés discrètement au crayon par Ferreira-Roquette en 1866, Barezewski en 1869, Albertini, D’Almeida et Mazzetti en 1874, Zaccagna et Dziembowski (se faisant appeler Dowski) en 1875, Georgiadès (qu’il écrivit plusieurs fois en minuscules comme en majuscules grecques) en 1886, ou Francisco Pinillos un péruvien en 1887.
http://www.annales.org/archives

[25] C’est aussi le cas par exemple des « Éteigneurs de néons » (officiellement connus sous le nom de groupe « Clan du néon ») luttant contre la pollution lumineuse, ou d’autres sociétés activistes agissant contre l’invasion de la publicité excessive, à la manière non pas de moines-soldats, mais en intégrant un plaisir non feint à militer.
[26] On note d’ailleurs une Gestapo des Ombres qui fit énormément parler d’elle en son temps (dans les années 80’s … du siècle précédent, i.e. celui qui vit la naissance de Henri Vernes et Bob Morane, je veux dire le XXe siècle et 3ème millénaire réunis), chacun cherchant à savoir qui en faisait partie !
Photo d’une inscription « Bienvenue » écrite en russe, datant du XIXe siècle et laissée probablement par un élève de l’École des Mines pendant son exercice de topo (photo prise par Joël Jézéquel et traduite par Fanny Codecco). Puisqu’elle a été laissée en août 1858, elle est certainement due à l’un des Élèves Étrangers de l’école à cette date, plutôt qu’à un autre type d’élèves (Ingénieurs ou Titulaires) ayant appris le russe.
Photos prises dans les Catacombes (l’ossuaire) et les catacombes (les carrières alentour) de patronymes de cataphiles de différentes nationalités (© Frank Albaret et Sylvain Tillier ).

                                                                                    

                                                                                             
                                  RusseJoel                                                 Bruxelles                                                      Chicago

L’internationalisation de la fréquentation des carrières est en route…

Mais depuis, à cause d’Internet ™ (moderne langue d’Ésope) et grâce au transport aérien facilité et beaucoup plus accessible d’un point de vue monétaire, ce phénomène de mondialisation est devenu réalité (de nombreux blogs et autres sites de conseils à l’usage des touristes étrangers de passage à Paris, évoquent cette autre face de la ville-lumière, comme par exemple Paris-Talk ; A guide to another side of Paris à la date du 17 mai, une date emblématique s’il en est http://paris-talk.blogspot.com/2007/05/paris-catacombs.html
C’est même dorénavant un public international averti, qui fait le déplacement spécialement sur (et sous) la capitale pour parcourir les kilométriques arcanes des anciennes carrières parisiennes : Européens (Anglais, Néerlandais, Belges, Allemands, etc.), mais aussi Américains, Canadiens, Australiens, Sud-Africains, Russes.

                                                                            
                           Grec                                                      Russe                                        USA                                    CMAssas                  

Ce qui constitue il est vrai, un épi-phénomène mais néanmoins bien réel, décrit par le sociologue Jean-Didier Urbain entre autre dans un dossier « Tourisme culturel. Ne suivez pas le guide ! » : « Le touriste est multiple. Il y a celui qui emprunte les grands circuits, qui ne s’enfonce pas dans les villes, va de haut lieu en panorama, à la recherche du “texte” clair de la ville. C’est la logique d’Icare. Celle de Thésée, au contraire, suscite une approche fusionnelle. Son adepte cherche à s’immerger dans la pénombre du lieu, à découvrir la ville derrière la ville. Et puis cette obsession de ne pas paraître touriste pousse les voyageurs à toujours plus de détournements et d’esquives. Ils se font inventeurs d’un tourisme expérimental, alternatif ». Ce qu’il appelle aussi le « tourisme interstitiel », les « voyageurs immobiles ». J-D Urbain en parla à plusieurs reprises dans ses écrits comme dans ses interventions radio et télévisuelles [27].

                                                                                               
                                   Couverture de la « Cité des Cataphiles », ouvrage paru à l’aube du phénomène médiatique

Couverture de la « Cité des Cataphiles », ouvrage paru à l’aube du phénomène médiatique, mais qui en est aussi un peu à l’origine. Devenu autant incontournable qu’introuvable, il arrive qu’il apparaisse exceptionnellement sur des sites Internet ™ de vente de livres, mais uniquement à des prix astronomiques : plusieurs centaines d’€uros, alors qu’il n’a été édité qu’en 1983, qu’il est de format B5, ne comporte que 245 pages dont à peine un petit feuillet de 10 photos en noir et blanc ! Heureusement pour les deux centaines de demandeurs, la réédition dont le bruissement de l’information courut plusieurs mois dans les galeries du landernau du catacosme, est enfin parue. Mais sans actualisation quant aux prolégomènes du phénomène de cataphilie alors que les rangs des premiers témoins (ceux ayant découvert et parcourus ces galeries dès les années 40’s) s’éclaircissent de plus en plus. Il y a, hélas, chaque année des départs, beaucoup trop de tristes départs, alors que ceux qui restent acceptent autant que faire se peut, de témoigner de ces aventures parisiennes si particulières ; ce sont les derniers témoins ! En revanche, ce ne sont pas moins de 110 nouvelles pages supplémentaires qui ont été ajoutées, provenant des annexes de l’étude originelle.
Message personnel : Comme n’ont toujours pas été reçus icitte (à Montréal) les exemplaires promis, il va falloir venir les chercher à Paris. Tabernacle stie d’câlice !

[27] Voir par exemple son essai « Ethnologue mais pas trop … (Ethnologie de proximité, voyages secrets et autres expéditions minuscules) » (© Petite Bibliothèque Payot 2003), dans laquelle Jean-Didier Urbain introduit cette étude par le sous-titre « Les Catanautes des Cryptocombes, des voyageurs de l’immédiat » (dernier chapitre du dit ouvrage : p.171-234), titre qui est une allusion directe au livre « Los autonautas de la cosmopista ».

                                                                                                                                                                             Partie 2